Saisie par le Gouvernement sur le projet de décret relatif à l'effacement de la consommation d'électricité, l'Autorité de la concurrence a rendu public lundi 13 janvier 2014 l'avis adopté sur ce texte le 20 décembre dernier (1) . Et il n'est pas tendre.
Afin de favoriser le développement de l'activité d'effacement dans le secteur de la consommation électrique des particuliers, le projet prévoit la mise en place d'une prime qui serait versée aux opérateurs d'effacement en fonction des volumes d'effacement réalisés. La prime vise à encourager le développement de l'effacement compte tenu de ses bénéfices attendus par les acteurs du marché en termes de maîtrise de la demande d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Cette prime serait financée par la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui permet déjà de financer les énergies renouvelables et les tarifs sociaux de l'électricité. La CSPE, rappelle l'Autorité, est payée par l'ensemble des consommateurs d'électricité en fonction des volumes consommés.
Alourdissement injustifié de la facture d'électricité
Dans son avis, le gendarme de la concurrence pointe "les modalités retenues pour la mise en place d'un subventionnement public de l'activité des opérateurs d'effacement qui viendrait alourdir, au-delà de ce qui est nécessaire, la facture de l'ensemble des consommateurs français d'électricité".
Or, l'efficacité de la prime versée aux opérateurs d'effacement n'est pas démontrée pour atteindre les objectifs environnementaux fixés par les pouvoirs publics, juge l'Autorité. "Des doutes importants subsistent quant aux liens de causalité entre effacement et économies d'énergie, l'effacement créant avant tout des reports de consommation", précise-t-elle, tout en pointant la crainte d'une dérive des coûts.
L'avis recommande par conséquent au Gouvernement d'encadrer beaucoup plus strictement la mise en place de la prime envisagée, ainsi que de notifier le dispositif à la Commission européenne afin qu'il soit examiné au titre du contrôle des aides d'Etat.
EDF dans le collimateur
L'avis recommande par ailleurs un meilleur encadrement de l'activité sur le marché de l'effacement afin qu'une concurrence effective puisse émerger. Dans le collimateur ? EDF qui "bénéficie d'avantages importants grâce à sa position d'ancien monopole historique". C'est la raison pour laquelle l'Autorité propose la mise à disposition de l'ensemble des opérateurs d'effacement d'une partie des données que détient l'opérateur historique sur ses clients, données qui permettent d'identifier les gisements d'effacement.
Mais les auteurs de l'avis ne s'arrêtent pas là puisqu'ils émettent également des doutes sur la conformité au droit européen des tarifs réglementés EJP et Tempo proposés par EDF incluant à la fois une offre de fourniture d'électricité et une offre d'effacement. "Il apparaît à tout le moins indispensable que ces tarifs réglementés couvrent les coûts supportés par EDF", indique l'Autorité.
L'Autorité recommande également que les fonctions de gestionnaire de réseaux soient déclarées incompatibles avec celles d'opérateur d'effacement, ce qui n'est pas prévu dans le projet de décret actuel. A défaut, ces sociétés se trouveraient dans une situation privilégiée par rapport à leurs concurrents "du fait notamment des pouvoirs de contrôle qui leur sont confiés et des informations sensibles auxquelles ils ont accès au titre de leur mission de gestionnaire de réseaux".
Les modalités de contrôle également critiquées
Pour terminer, l'avis critique les dispositions du projet de texte portant sur le contrôle du marché de l'effacement. Ce dernier confie à titre principal à RTE les missions d'agrément préalable des opérateurs d'effacement et de certification des volumes d'effacement réalisés. Mais il prévoit aussi que ces missions puissent être déléguées aux gestionnaires de réseaux de distribution, ce que dénonce l'Autorité.
"La plupart des gestionnaires de réseaux de distribution ne présentent pas des garanties d'indépendance suffisantes par rapport aux fournisseurs d'électricité, qui sont de potentiels opérateurs d'effacement", explique-t-elle.
En tout état de cause, le Gouvernement va devoir revoir sa copie, qui n'en est pourtant pas à sa première version.